L'Art du Raga

« L'essence de la musique classique indienne réside dans FREEDOM WITHIN DISCIPLINE ou la liberté au sein de la discipline. Les limites d'un Raga sont bien définies, mais dans ces paramètres stricts, l'artiste, le musicien, dispose d'une liberté absolue pour s'exprimer individuellement. »

Wade Evans "Babaji" - Maître de Sitar 

Je souhaite te faire voyager en Inde pour (re)découvrir un concept qui constitue le fondement de la musique traditionnelle et classique indienne. J’ai le plaisir de te présenter l’épisode 3 de la série “Les Fils Musicaux des Routes de la Soie”, L'ART DU RAGA.

À mon arrivée à Bénarès (Varanasi), capitale culturelle et spirituelle de l’Inde, j’avais deux désirs en tête : collaborer musicalement avec un joueur d’un instrument légendaire de la musique indienne (voir le vidéoclip “When Oud meets Sarod” sorti le mois dernier) et plonger dans l’essence du Raga. Ayant voyagé plusieurs fois en Inde, ce concept nébuleux me parlait déjà, mais je ne m’y étais jamais vraiment penché. Par manque de temps ? Ou plutôt parce qu’au fond de moi cela me donnait le vertige ?

En effet, plonger dans le monde du Raga, c’est comme s’attaquer, en partant du pied de la montagne, à un sujet aussi complexe et fascinant que la musique classique occidentale !

Pour me guider dans ce chemin, je suis allé à la rencontre de Pandit Shivnath Mishra, 80 ans, ancien ami de Ravi Shankar et l’un des plus grands maîtres de Sitar de notre époque, représenté par son fils Deobrat Mishra et son élève Wade Evans “Babaji”.

De mes échanges avec ces excellents musiciens, je me suis vite rendu compte qu’il existe dans notre monde deux univers musicaux irréductibles : l’un qui met l’accent sur l’harmonie (l’étude des accords) et l’autre sur la mélodie (l’étude des modes). La musique classique en Europe a vu s’élaborer depuis la fin du XVe siècle un édifice théorique savant et efficace autour de l’harmonie, ou grammaire de la polyphonie.

Le système musical indien, quant à lui, puise ses racines dans ses origines védiques, il y a plus de 4000 ans selon Deobrat Mishra. Il oriente sa recherche vers l’organisation de la mélodie. Comme c’est le cas dans la plupart des musiques dites “d’Orient”, la musique indienne ménage une place importante à des paramètres dont le rôle a été progressivement amoindri par la polyphonie (ornementation, improvisation, rythme, microtonalité...). Le Raga constitue la structure de cette musique, mais pas seulement. La diversité des implications de ce mot est telle qu’il peut résumer à lui seul la totalité de cet art.